Un psy vétérinaire?
J’entends déjà certains lecteurs réagir au titre de cette chronique. « Ben voyons donc! Un psy pour les chats et les chiens? Avec la vie de « pacha » qu’ils mènent de nos jours, je ne peux croire qu’ils ont besoin d’un psychiatre vétérinaire. » Ils n’ont aucun tracas, ils ne doivent pas aller à l’école ou travailler à tous les jours. Ils n’ont pas de responsabilités, ils sont nourris et logés : ils couchent même dans notre lit. »
Il est bien vrai que si nous attribuons les mêmes valeurs et les mêmes besoins aux humains qu’aux individus de l’espèce canine et féline, il semble impossible d’imaginer un animal de compagnie souffrant d’une maladie mentale ou d’anxiété.
Par contre, les besoins réels des animaux sont parfois bien différents de ceux des humains. Il arrive fréquemment qu’un animal ne soit pas à l’aise dans diverses situations. Par contre, les humains en parlent rarement. Y-a-t-il un tabou autour de ces conditions? Est-ce que les gens sont alertes à ces problèmes? S’agit-il d’un manque de ressources? À qui peuvent-ils réellement en parler?
La plupart des animaux souffrant de « maladies mentales » semblent démontrer de l’anxiété sous-jacente. Nous définissons l’anxiété comme étant l’anticipation d’une menace future. Cette menace peut être réelle ou imaginaire. Autrement dit, un animal anxieux ressent une menace dans des situations où il n’y en a pas ou exagère l’intensité d’une menace réelle.
Une pathologie
Un certain niveau d’anxiété peut être normal. Par contre, cet état anxieux peut devenir une pathologie si son niveau est élevé ou s’il se présente dans un contexte inapproprié.
Par exemple, vous ajoutez un nouvel objet dans votre salon. La réaction attendue de l’animal de la maison serait qu’il soit relativement craintif à la première approche de l’objet en question, qu’il le renifle et qu’il soit capable de l’approcher sans crainte après s’être assuré qu’il soit inoffensif. Ce processus devrait prendre quelques minutes. Chez un chien anxieux ou craintif, cette adaptation est impossible. Il peut demeurer craintif et aboyer devant l’objet durant plusieurs heures, voire même plusieurs jours. Il est incapable de s’adapter aux changements.
Un autre exemple est l’arrivée ou l’approche d’un étranger. Dans cette situation, il peut être normal, selon l’expérience du chien, qu’il aboie en guise d’interrogation (qui es-tu, que veux-tu?). Un chien respectant les séquences comportementales normales devrait aboyer quelques secondes et attendre la réponse de l’individu en question. Si ce dernier est menaçant, il est possible qu’il intensifie ses aboiements.
Par contre, si la personne ne représente pas de menace réelle, l’animal devrait cesser les vocalises et l’accueillir selon les rituels habituels. Comme un chien malade anticipe la présence d’une menace non réelle, il sera incapable de cesser d’aboyer puisqu’il ne peut discerner si l’individu représente ou non une menace. Son comportement peut même devenir de plus en plus agressif au fur et à mesure que la distance entre l’individu et lui diminue.
Bien des gens diront que ce genre de chien est dominant ou qu’il protège son territoire, d’où la nécessité d’évaluer le langage corporel de l’animal lorsqu’il démontre un comportement indésirable. Il est beaucoup plus probable que cet animal soit terrorisé par la présence d’un étranger et que la seule façon de faire repousser le stimulus soit de démontrer de l’agression.
L’anxiété chez un animal l’empêche de fonctionner normalement. Il est incapable de subir un apprentissage normal puisqu’il est constamment alerte et à l’affût d’un danger.
L’analyse comportementale
Pour déterminer si un animal est malade psychologiquement, il faut procéder à une analyse comportementale approfondie et prendre en considération tous les comportements de l’animal, son langage corporel, le contexte entourant les épisodes, la fréquence et l’intensité des comportements, l’environnement dans lequel l’animal vit ainsi que la composition familiale. C’est tout le système qui doit être analysé afin de bien différencier l’animal normal de l’animal pathologique (atteint d’une maladie comportementale).
Il existe toujours un débat important entre les vétérinaires comportementalistes afin d’établir une liste des termes à utiliser pour désigner les diverses maladies comportementales. En voici quelques exemples : Anxiété généralisée, phobies aux bruits, aux étrangers, aux orages, anxiété de séparation, agressions diverses, stéréotypie, comportements obsessifs et compulsifs, dysfonctionnement cognitif, etc.
La cause
La cause exacte de ces maladies n’est pas toujours évidente. Comme dans le domaine humain, cette science nécessitera encore plusieurs années de recherche afin de clarifier la cause de certains comportements. Ce que nous savons actuellement, c’est que les animaux malades semblent avoir une chimie cérébrale (chimie et contacts nerveux au niveau du cerveau) qui est différente des chiens normaux. Certaines conditions peuvent être reliées au vieillissement des cellules nerveuses, mais dans bien des cas, ces animaux semblent être anormaux dès l’adoption.
La génétique, l’apprentissage et l’environnement de l’animal demeurent trois facteurs jouant un rôle important dans le développement de ces pathologies, mais nous ignorons encore les proportions exactes de chacun de ces facteurs.
En résumé
Il existe des maladies mentales chez les animaux et les mauvais comportements ne doivent plus être simplement attribués à une mauvaise éducation de la part des propriétaires. Les techniques d’éducation et d’obéissance bien appliquées fonctionnent très bien pour les chiens normaux, mais ne donnent pas de résultats positifs avec les chiens malades.
Que vous soyez éducateur, éleveur, vétérinaire, technicien en santé animale ou simplement un amoureux des chiens, il est possible que vous éprouviez un jour de la difficulté à établir une communication adéquate avec un animal. Rappelez-vous qu’il est possible qu’il souffre d’une « maladie mentale ». Dans ces cas, il est nécessaire de le faire évaluer par un vétérinaire afin de confirmer le diagnostic. Il sera en mesure de prescrire, au besoin, une médication adéquate ainsi qu’une modification comportementale adaptée. Dans la plupart des cas, il sera possible d’améliorer la qualité de vie de votre chien, et la vôtre du même coup.
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