juillet 12, 2012


En vedette Médecine familiale

Les chiens et le Dr Godbout

Cas vécu

20h00, de retour d’une balade. Une douche en  vitesse, j’enfile une tenue décontractée, je me prépare une tisane, j’agrippe une bonne lecture et je me dirige vers mon vieux fauteuil préféré pour la séance de relaxation d’avant dodo. Oups! La place est prise. Myéline, ma petite golden de 2 ans est étendue de tout son long sur le fauteuil.

Je décide de m’approcher et de tenter de la déloger de l’endroit convoité. La voilà qui me fixe avec un regard inquiétant. Un peu surpris, je m’arrête pour aussitôt continuer mon approche. Comble de malheur, voilà qu’elle grogne. Mais qu’est qu’il lui prend? J’approche ma main doucement pour lui montrer qu’il n’y a pas de danger quand tout à coup, elle retrousse ses babines et intensifie ses grognements. Là c’est assez, tu vas descendre ! Je la prends par le collier pour la faire descendre du fauteuil. Je crois que j’ai évité sa morsure de justesse : elle a frôlé mon bras avec ses dents!

J’étais atterré, je ne savais plus quoi penser. Ma petite Myéline qui est si gentille habituellement. Qu’ai-je donc fait pour mériter un tel traitement de sa part? Pourtant je ne l’ai jamais battue.

Après discussion avec différentes personnes sur le sujet, je ne savais plus quoi penser. Mon voisin qui a eu plusieurs chiens dans sa vie, disait que ma chienne était une dominante et que je devrais lui laisser pour quelques jours afin de la « casser ». Ma cousine qui travaille avec un éducateur canin m’a dit qu’elle était possessive parce qu’elle était trop gâtée et que je ne devrais jamais la laisser monter sur le divan. Certains me disent qu’elle ne voulait que protéger son lieu de repos, tandis que d’autres affirment que Myéline est territoriale.

Conseils d’un vétérinaire comportementaliste

Ce genre de situation est fréquent dans les cas de problèmes comportementaux rencontrés en clinique.

Traditionnellement, la dominance était définie comme l’habilité d’un individu à maintenir ou contrôler l’accès à une ressource. Celui qui gagnait régulièrement l’accès à ces ressources était qualifié de dominant. Le statut hiérarchique élevé d’un individu est déterminé par le comportement de l’animal de rang inférieur. L’animal d’un rang supérieur tolère les individus aux rangs inférieurs. Généralement, le rang hiérarchique supérieur est défini par la facilité à engendrer des comportements de déférence (soumission) des autres par des postures dominantes (langage corporel). Autrement dit, il est rare pour un animal dominant d’avoir besoin d’être agressif.

Le principe de dominance, dans le cas présenté, est basé sur le fait que dans un contexte sauvage où les animaux doivent chasser pour manger puis établir une hiérarchie afin de bien communiquer, survivre et se reproduire, seul le chien dominant aura accès à des lieux de prédilection. En extrapolant ces affirmations dans une vie de famille, certains individus diront que dans ce cas, le chien considère le fauteuil comme un endroit privilégié et que son statut de dominant empêche tout autre individu d’avoir accès à ce lieu.

J’éprouve de la difficulté avec cette hypothèse puisqu’elle n’est plus valable dans le cas où le chien démontrerait les mêmes comportements lorsqu’il est couché dans l’auto, dans son panier, dans un coin du salon ou tout autre endroit.

Pour ce qui est de la protection, qui vous dit que le chien protège son lieu et non sa propre peau? Vous êtes-vous déjà arrêté pour analyser l’état émotionnel de votre animal dans ces situations ainsi que le message que votre chien comprend lorsque vous vous approchez de lui dans un contexte similaire ? Par exemple, un chien craintif pourrait très bien anticiper un danger si vous approchez trop rapidement de lui ou s’il se sent coincé. Certains chiens tolèrent moins que d’autre les contacts physiques avec les humains. Un chien plus anxieux que la normale ayant de la difficulté à faire une différence entre la présence et l’absence de menace dans une situation donnée peut anticiper un danger à l’approche d’un humain lorsqu’il est couché. Ces situations sont imprévisibles et l’imprévisibilité augmente l’anxiété. Oh ! Il arrive rapidement, se dit-il ! Est-il fâché ? Qu’est-ce qu’il veut? Que va-t-il me faire ? Impossible de fuir, il me bloque complètement l’accès! Va-t-il encore me réprimander malgré mes avertissements clairs indiquant que la situation m’inquiète?

Bien qu’il soit toujours malheureux qu’un chien grogne envers un humain, il est beaucoup plus souhaitable d’avoir un chien qui grogne qu’un chien qui mord sans avertissement. La séquence comportementale du chien décrit dans l’exemple ci-haut était complète, donc normale. L’animal a utilisé la menace la plus faible possible pour faire comprendre à la personne que la situation l’embarrassait ou l’inquiétait et qu’il voudrait cesser l’interaction. Le chien utilise un langage non-verbal (le même qu’il utiliserait avec un autre chien) pour exprimer l’équivalent des mots  « stop », « arrête », « non », etc.

Le message était clair, les raidissements et le regard voulaient dire « je ne sais pas ce que tu vas faire, arrête d’approcher s.v.p. ». Comme la personne a ignoré ses avertissements préliminaires et a continué d’approcher, Myéline a dû augmenter l’intensité de son avertissement en montrant les dents ou en grognant. Lorsque la menace s’est poursuivie à nouveau (la personne continue d’approcher) et qu’elle était incapable de fuir (restreinte physiquement ou personne devant elle), Myéline a dû intensifier son message en mordant dans le vide. Si elle avait voulu mordre, elle l’aurait fait. Ce n’était qu’un avertissement.

Il est certain que les animaux démontrant ce genre de comportement sont différents et devraient être évalués par un vétérinaire afin d’éliminer toute cause médicale sous-jacente (douleur ou trouble anxieux). Tout chien qui grogne à l’approche de quelqu’un sur le sofa devrait en plus être évalué par un vétérinaire comportementaliste qui saura faire la distinction entre un comportement normal selon le contexte et un comportement lié à une maladie « mentale » ou autre. Dans le cas de maladie, le vétérinaire pourra proposer une médication pour aider le chien et le client. Une modification comportementale sera aussi recommandée.

Au départ, il faut enseigner à l’animal à venir à vous en tout temps. Pour ce faire, j’appelle le chien en prononçant son nom et d’un ton très stimulant, je dis « viens » en tapant sur ma cuisse ou en tentant de m’éloigner d’un pas enjoué. Dès qu’il arrive à mes côtés, je lui administre une friandise en lui disant « bon chien ». Il faudra pratiquer ces exercices dans plusieurs contextes différents.

Il est important de ne jamais approcher un animal qui se retrouve dans une situation qui risque de déclencher l’agressivité, surtout en présence d’un animal montrant des signes de peur parce qu’il est coincé ou incapable de fuir.

Quoi faire?

Lorsqu’il se retrouve sur le divan ou dans toutes autres situations à risque, demeurez à une distance suffisante pour que votre présence ne déclenche pas d’agression et appelez-le d’un ton gai. S’il vient à vous, récompensez-le et dites « bon chien ». Après un certain temps, il viendra à vous sans démontrer aucune agression. Chez certains chiens craintifs, le simple fait de les approcher sans leur bloquer l’accès leur donne le choix de fuir la situation et élimine ainsi toute forme d’agression.

Respectez les besoins de votre chien. Il n’est tout simplement pas à l’aise dans ces situations. Donnez-lui la chance de pouvoir se retirer dans un endroit bien à lui sans être dérangé. Si vous désirez le faire bouger d’un endroit particulier, enseignez-lui clairement ce que vous voulez afin que la situation devienne la plus prévisible que possible. N’oubliez pas : aucune punition dans ces situations. Les méthodes punitives donnent rarement des résultats positifs et risquent même de détériorer la condition.

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